Commémoration devant la stèle de Perdrigé à l’occasion de la cérémonie du 31 mai 2015 au Panthéon
« L'histoire à mains nues prend place au Panthéon, le temple glacé des grands hommes, où deux femmes viendront rejoindre un silence très masculin. Germaine Tillion, Geneviève Anthonioz-de Gaulle, Jean Zay et Pierre Brossolette sont quatre facettes d'un courage qui a conduit des hommes et des femmes, une poignée d'abord dans l'hébétement d'une défaite, à relever la tête, à refuser l'ordre noir, à jouer leurs vies pour l'avenir. Le ferment semé a levé et la France a fait nation, combattants des villes et des campagnes, résistants immigrés et antifascistes de toujours. Des ruines a surgi le progrès social; de la misère une dynamique économique et d'invention démocratique.
La leçon de la Résistance vaut pour plus d'une journée. Elle fut rappelée avec éclat, il y a quelques années, par quelques-uns de ses acteurs illustres dans un texte, « Créer c'est résister. Résister c'est créer », qui valait comme un appel à refuser les injonctions au fatalisme, de résignation à l'impuissance, de démission devant la loi des puissants.
Et comme une invitation avec René Char, à composer « l'avenir sans croire au poids qui décourage ». Durant les quatre ans de cendres, de sang et de deuils, les animateurs des maquis surent aussi confluer, sans renoncer à leur histoire ou à leurs rêves, adoptant le vers d'Aragon : « Fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat. » Cette leçon-là, hélas, n'a pas été retenue par le président de la République, qui, choisissant d'incontestables héros, a décidé de retoucher la photo et de ne retenir aucun des communistes qui furent pourtant au premier rang des soldats de l'ombre et des martyrs. Dommage d'avoir choisi de séparer « la rose et le réséda » et d'avoir préféré la querelle à l'histoire.
Par ses diverses initiatives d'hommage à la Résistance, le Parti communiste met en avant la nécessité de retrouver l'unité pour faire face aux attaques contre les acquis de la Libération, parce que la vérité de la Résistance française, c'est son unité. Toutes ses composantes se sont rassemblées : résistance intérieure et résistance extérieure, partis, mouvements de résistance et syndicats, toutes les sensibilités politiques. Il est donc impossible de faire le tri. Cette unité a permis à la France de retrouver toute sa souveraineté dès la libération, de compter dans le concert des nations.
Honorer ce rassemblement, c'est aussi affirmer que, dans les conditions d'aujourd'hui, il est nécessaire de trouver les voies de l'unité pour résister face aux déferlements d'attaques contre les acquis de la Libération. La Résistance unie nous apprend
aussi que la résistance n'est possible que parce qu'il y a une stratégie politique partagée et une perspective programmatique. C'était à l'époque la Libération par l’insurrection et le programme du CNR avec ses propositions à la fois crédibles et de ruptures avec l'ordre ancien. Il y a encore des leçons de méthode à en tirer pour aujourd'hui.
Nous saluons la panthéonisation de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Pierre Brossolette et Jean Zay. Pierre Laurent est d'ailleurs présent à la cérémonie qui se déroule en ce moment. À eux quatre, ils représentent toutes les sensibilités de la Résistance sauf une. Le PCF a été la composante essentielle de la Résistance sur le sol français et il est donc incroyable de ne pas le reconnaître. Le PCF ne milite pas pour une mémoire mythique, linéaire de la résistance communiste. Il y a bien longtemps que nous en avons fini avec une histoire officielle. Nous souhaitons seulement que l'histoire, toute l'histoire reprenne ses droits. Après le Panthéon, après l'affaire des tracts des années 1970, François Hollande s’engage-t-il dans une forme de révisionnisme mémoriel, comme si nous le gênions dans sa volonté de recomposition politique et de droitisation de la politique gouvernementale.
Le choix de notre présence devant la stèle de Daniel Perdrigé ne doit rien au hasard. Dans une lettre du 27 décembre 1940 le commissariat de police de Gagny Daniel on peut lire :
En exécution des prescriptions contenues en votre circulaire du 23 décembre 1940, relative aux menées communistes, j'ai l'honneur de vous adresser sous ce pli douze procès-verbaux de notification de vos instructions aux ex-militants communistes ayant fait l'objet d'une assignation de résidence.
Sous ce même pli, nous vous adressons un rapport n° 1624 par lequel je vous propose l'internement administratif de M. Perdrigé, ancien maire communiste de Montfermeil, qui paraît manifester encore une certaine activité répréhensible.
Les renseignements que nous avons recueillis nous permettent de supposer que ces petits dépôts de tracts sont faits sur les instigations de Perdrigé. D'autre part la maison habitée où un tract ancien a été déposé le 24 décembre 1940 est située face à la maison d'habitation de Perdrigé.
Depuis un certain temps nous avons remarqué que Perdrigé se livrait dans son entourage à une propagande verbale. Cette propagande a d'autant plus d'effets qu'elle émane du premier militant de Montfermeil.
Pour ces différents motifs, nous estimons que l'internement administratif de Perdrigé s'impose.
Daniel sera arrêté en avril et fusillé comme otage le 15 décembre 1941.
Nous continuerons à faire grandir l'idée que la reconnaissance de la nation pour être entière ne peut oublier celles et ceux qui ont tant contribué à faire de la France ce qu'elle est aujourd'hui.
Mais le PCF est un parti politique qui cherche à ouvrir une perspective de changement, donc l'essentiel de nos initiatives seront des initiatives politiques pour aujourd'hui et non pour hier. Avec nos partenaires du Front de gauche et au-delà, des initiatives comme les Chantiers d'espoir et le Forum européen des alternatives qui rassemblent sur un contenu transformateur et progressiste, c'est le plus beau des hommages que nous pouvons rendre à celles et ceux qui nous ont précédés. »