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Commémoration assassinat de Fanny Dewerpe au métro Charonne

Notre ami et camarade Georges Blanc nous a fait l'honneur de prononcer cette année le discours de commémoration de l'assassinat de Fanny Dewerpe au métro Charonne le 8 février 1962.

- FEVRIER 1962- FEVRIER 2014 -

COMMEMORATION FANNY DEWERPE - CHARONNE 

fanny dewerpe

Mes amis, mes camarades,

Répéter le nom de nos disparus, nous devons le faire chaque année tant est longue la liste de ceux-là qui sont morts dans la douleur en nous laissant dans les yeux un message d’espérance.

Fanny DEWERPE avait 31 ans, c'est-à-dire la fleur de l’âge quand la violence policière lui a ôté la vie ce 8 février 1962, au cours de ce que les pouvoirs et les médias ont appelé pudiquement « les affaires du métro Charonne ».

Mais la vérité du fond de son puits tend toujours une main qu’un « juste » saisira un jour.

 

Et c’est le propre fils de Fanny DEWERPE, Alain, directeur des études à l’école des Hautes Etudes en Sciences Sociales, qui fera éclater la vérité.

Au terme d’une enquête scientifiquement irréprochable, il publie « Anthologie historique d’un crime d’Etat » et ainsi l’affaire du métro Charonne est devenue « le crime d’état du métro Charonne ».

Les responsables de ce crime on les connaît. Ils s’appellent:

- Maurice Papon, préfet de police en 1962 dont on sait la responsabilité dans la déportation des juifs de Bordeaux.

Roger Frey, ministre de l’intérieur,

- Michel DEBRE 1er ministre et excusez du peu,

Charles de Gaulle, président de la République.

Neuf manifestants tombèrent assassinés par la police et rappelons ici leurs noms:

-Jean- Pierre BERNARD, dessinateur 30 ans - Daniel FERY, apprenti 16 ans et demi, presque un enfant - Anne Claude GODEAU, employée 24 ans - Edouard LEMARCHAND menuisier 41 ans - Suzanne MARTOREL, employée à l’huma 36 ans - Hyppolyte PINA maçon 58 ans - Raymond WINTGERS , typographe 44 ans - Maurice POCHARD, décédé à l’hôpital 46 ans- Fanny DEWERPE, secrétaire 31 ans.

Toutes ces personnes représentaient bien un éventail de travailleurs de chez nous. Ils n’avaient dans leurs poches ni armes de poing, ni couteaux et dans leurs mains aucune matraque, mais ils avaient au cœur la haine de la violence et à la bouche le seul slogan  «OAS ASSASSINS».

Il est vrai que les forces de répression avaient droit de les tuer puisque leur manifestation avait été interdite, comme d’ailleurs toutes les manifestations pour la paix.

Comment parler aujourd’hui de ce crime politique perpétré à la station Charonne? Tous ceux qui, ici, ont pas mal de cheveux blancs s’en souviennent car nous y étions tous le 8 Février 1962. Comment en parler sans évoquer la guerre d’Algérie appelée selon le côté de la Méditerranée «guerre de l’indépendance de l’Algérie» ou « Révolution algérienne»?

Cette guerre fut longue, de la« Toussaint rouge»de 1954 aux accords d’EVIAN de Mai 1962. Elle fut atroce et pleine de rebondissements. Elle finit par concerner tous les Français puisque les autorités firent appel au contingent. De plus, en 1962 elle fut en partie exportée en France sur le territoire national par l’OAS. Nous ne pouvons ici n’en retenir que quelques faits, nous irons au plus court, merci d’excuser les impasses.

Nous parlerons d’abord de la torture: Le pouvoir civil a donné carte blanche au général MASSU pour gagner la bataille d’Alger. Mais pour vaincre dans cette guerre, faite d’embuscades, de coups de main, d’attentats, il faut du renseignement, alors on arrête…et on torture. On hurlait d’épouvante autant villa Susini à Alger qu’à Paris rue des Saussaies au temps de la Gestapo, au point que le plus jeune général de l’armée française, Pâris de la Bollardière, tenta en Algérie de sauver l’honneur de notre état-major. Indigné des faits avérés de torture, il écrit dans «l’Express»: « Je pense avec respect à tous ceux de mes frères arabes ou français qui sont morts comme le Christ aux mains de leurs semblables, flagellés, défigurés par le mépris des hommes». Qu’est devenu le jeune mathématicien communiste Maurice AUDIN, arrêté, torturé et dont on n’a jamais retrouvé le corps….

Henri ALLEG, directeur d’«Alger Républicain» va pouvoir lancer un brûlot. Arrêté en 1957, torturé, condamné, évadé, il publie «LA QUESTION» où la vérité horrible et impensable est révélée au public.

Pour les Algériens, au visage du colon méprisant et cruel se substitue celui du tortionnaire en uniforme. Mettre fin à cette guerre injuste et meurtrière n’est pas tout de suite une évidence et ce, pour deux raisons. D’abord,il est vrai qu’un million de Français vivent là-bas en Algérie et considèrent aussi que cette terre est la leur.Ensuite, ce sont nos jeunes qui meurent quelque part dans les Aurès, abattus par les combattants du FLN.

Le Parti communiste est le seul parti constitué qui fait ouvertement «campagne pour la paix» en Algérie en ne s’identifiant cependant pas au combat du FLN. D’autres feront des choix plus tranchés, les membres du réseau Jeanson, qu’on appellera «les porteurs de valises», aident clandestinement la rébellion algérienne. En 1960, le Manifeste des 121, signés par des intellectuels et artistes (SARTRE, VIDAL-NAQUET, Marguerite DURAS, Simone SIGNORET, etc…), justifie l’insoumission et l’adhésion à la cause algérienne.

Le général de Gaulle, porté au pouvoir par les partisans algériens de l’Algérie française et leurs complices en France, sent que cette position est intenable, autant sur le plan national qu’international. En fin politique, il se décide après bien des péripéties et un référendum sur l’autodétermination, à entamer des pourparlers avec les chefs politiques de la révolution algérienne.

A l’annonce des négociations d’Evian, une flambée de violence éclate en Algérie. Une armée secrète, l’OAS, met Alger à feu et à sang et porte cette violence jusqu’en France.

En France, on ne peut passer sous silence la tuerie du 17 Octobre 1961.

Les Algériens habitant la région parisienne se voient imposer un couvre-feu de 20h30 à 5h30 du matin, atteinte évidente à leur dignité. Tous acquis naturellement à la cause algérienne, ils organisent une manifestation pacifique à Paris à cette date. La répression policière est d’une violence inouïe. 12000Algériens seront arrêtés, un nombre incalculable d’hommes et de femmes sont tués ou jetés dans la Seine (peut-être plusieurs centaines). D’ailleurs, la communauté algérienne de la région parisienne n’a toujours pas fait son deuil.

Encouragée, l’OAS attaque en France le maire d ’Evian, qui accueille les négociateurs du GRP, il est abattu. Les sièges du Parti communiste et de Témoignage chrétien, les appartements de Jean-Paul Sartre et d’André Malraux sont plastiqués. Une petite fille, Delphine RENARD, est défigurée. C’en est trop…..la CGT, la CFTC, la FEN, l’UNEP, le PCF et le PSU appellent à une manifestation le 8 février 1962.

De Gaulle, homme de droite, de la caste hautaine des officiers de carrière, méprise le peuple autant qu’il s’en sert. Il refuse toute ingérence des politiques dans les affaires internationales. La manifestation est interdite. Pourtant, nous retrouvons Fanny DEWERPE. Elle est là, elle y est, bien que son mari ait été matraqué à mort dix ans plus tôt en Août 52. Son beau-frère a été fusillé par les Allemands en 1944. Il est des familles comme çà ou l’engagement en faveur d’un monde meilleur est comme le pain que l’on partage…

Le 13 janvier… cinq jours plus tard, c’est comme si le monde avait basculé. Ils étaient 500000 ou peut être un million de parisiens à venir rendre hommage à ceux qu’on vient d’assassiner au métro Charonne. Jamais on ne pourra oublier ce cortège immense, aussi impressionnant par son silence que par sa densité. Un silence à vous faire passer un frisson dans le dos… marche lente, interminable, vers les grandes portes ouvertes du cimetière du Père-Lachaise, derrières les effigies géantes des victimes. Qu’ils soient communistes (8 sur 9 l’étaient), qu’ils soient de la chapelle ou qu’ils n’y croient pas, les gens ne se sont même pas posé la question. On a tué des gens qui défilaient, une colombe dans leur main repliée et cela suffisait à justifier leur indignation. De Gaulle avait exclu les communistes de la communauté internationale (c’étaient des séparatistes), le peuple parisien les réintègrent dans le giron de la France sur les pavés de Paris. Fanny DEWERPE, nous ne sommes pas près d’oublier ces moments-là.

Aujourd’hui!!! Et aujourd’hui, c’est un demi-siècle plus tard, il semble que l’on ait terni nos aurores et qu’il y ait moins de soleil dans nos vies. Les Français sont déçus, inquiets pour leur avenir. Ils ne font pas confiance aux hommes politiques. Les mots fondateurs que l’on ne manie d’habitude qu’avec respect, Liberté, Egalité, Fraternité, Solidarité, sont devenus creux comme des mensonges. Les citoyens sont si déçus par les gouvernements de droite ou de gauche, qui se succèdent sans que leur vie s’améliore, qu’ils se replient sur eux-mêmes, leur famille et leurs craintes.

C’est le marché qui tient la réalité du pouvoir en France. La finance voit l’occasion belle pour arracher aux travailleurs les droits acquis de haute lutte, même si ça n’est pas toujours facile pour elle face aux travailleurs qui se défendent. Les puissances de l’argent ont entre leurs mains la plupart des médias. Il s’agit pour eux d’opposer les groupes sociaux entre eux et les communautés entre elles. Les agents de la fonction publique auraient des privilèges exorbitants et les chômeurs sont des assistés qui se prélassent dans la paresse. Contre les émigrés, on fait craindre la poussée du croissant islamique sur le toit de nos églises. On manipule les Noirs et les Beurs pour orchestrer une campagne anti-Blancs et antisémite. Les syndicats (surtout la CGT) sont des organisations archaïques responsables d’après eux de la fermeture de nombreuses entreprises.

NON, Fanny DEWERPEn’est pas morte pour qu’il advienne un monde aussi décevant. La tâche est immense, il nous faut reconquérir l’opinion publique avec nos seules forces de conviction. Des échéances électorales nous attendent sous peu et peut-être de grands mouvements sociaux sont-ils en gestation??? Heureusement, c’est pour cela que l’on voit se lever un peu partout et à Montfermeil en particulier de nouvelles forces jeunes et dynamiques, des volontés intelligentes et décidées qui se feront entendre dans les batailles à venir.

NON, l’histoire n’est pas finie en cette année 2014 et écoutez pour l’espoir et avec humour un jeune poète inconnu de 20 ans:

-Un jour viendra ou l’éclipse s’oubliera,

-Et ce jour-là,

-Tous nous exploserons,

-Amical enchantement de se tenir dans les bras,

-Et ce jour-là,

-La terre sera,

-Comme à son premier jour,

-Et nous, nous suivrons,

-Sa Révolution……..

  GEORGES BLANC

Lexique: 

OAS: Organisation armée secrète clandestine créée après l’échec du putsch militaire d’Alger (1961) et dirigée par les généraux rebelles Salan et Jouhaud qui ont tenté de s’opposer par la violence à la politique de le France en Algérie surtout sur les accords d’Evian.

Toussaint rouge: Attentats perpétrés le 01.11.54 par le FLN en Algérie, contre des personnes civiles et militaires représentant la colonisation, volontairement le 1er novembre, jour de fête des catholiques. Ce sera le début de la guerre d’Algérie (1954-1962).

 

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