Les communistes de Montfermeil, Clichy et Coubron ont rendu hommage à Fanny Dewerpe et aux autres victimes du 8 février 1962.
Merci aux personnes présentes et à Pierre Girault pour son intervention d’actualité, que vous retrouverez ci-dessous.
Hommage à Fanny Dewerpe
Dimanche 7 février 2021
En janvier 1961, les Français répondaient « OUI » à 75 % pour le droit à l’autodétermination du peuple algérien. Mais il aura fallu plus d’un an pour qu’un accord de cessez-le-feu soit signé le 18 mars 1962.
Les jusqu’auboutistes de l’Algérie française refusèrent le verdict démocratique des citoyens français. Ils décidèrent de s’y opposer par la violence la plus extrême. Avec la création de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) ils ont organisé des centaines d’attentats en métropole et en Algérie pour imposer par la force un coup d’état et poursuivre la guerre.
Ils s’attaquèrent en France, par des attentats à la bombe, aux organisations de gauche et aux personnalités politiques, syndicales, qui s’exprimaient et agissaient pour la Paix en Algérie.
Le gouvernement du Général de Gaulle était frileux, voulait malgré tout conserver des bases et avantages du colonialisme, et il y avait aussi au gouvernement des partisans de l’Algérie française notamment le Premier ministre Michel Debré.
Les manifestations étaient interdites et de plus en plus marquées par les violences policières, comme ce fut le cas notamment à Paris le 17 octobre 1961, avec le massacre des Algériens, ou les manifestations syndicales en décembre 1961….
En même temps les partisans de la Paix et de l’indépendance pour l’Algérie s’exprimaient de plus en plus, en manifestant ; le Mouvement de la Paix, les syndicats, le Parti Communiste etc…
Le 7 février 1962, l’OAS commettait dix attentats à la bombe contre des personnalités diverses, qui firent de nombreux blessé-e-s et particulièrement une fillette de 4 ans.
Dès le lendemain la riposte s’organisait : une manifestation se tenait à l’appel, notamment, du PCF, de la CGT, la CFTC, du mouvement de la Paix… Elle fut sauvagement agressée par les brigades spéciales de la police aux ordres du Préfet Papon et du ministre de l’intérieur Roger Frey, au carrefour du métro Charonne. On dénombra des centaines de blessé-e-s. et 9 morts dont 8 membres du Parti Communiste. Ils se nommaient :
Fanny Dewerpe – 32 ans – employée
Jean-Pierre Bernard – 30 ans – dessinateur
Daniel Fery – 18 ans et 1 jour, un enfant presque – apprenti
Anne-Claude Godeau – 24 ans – employée
Edouard Marchand – 41 ans – menuisier
Suzanne Martorell – 36 ans – employée à l’Humanité
Hippolyte Pina – 53 ans – Maçon
Raymond Wintgens– 44 ans – Typographe
Maurice Pochard – 46 ans
Paris leur fit des funérailles grandioses comme on n’en a vu que rarement dans l’histoire. Des centaines de milliers de gens silencieux de colère les accompagnèrent au cimetière du Père Lachaise comme ils l’auraient fait pour rendre hommage à des personnalités illustres qui font honneur à leur patrie. C’était le 13 février, il y a 59 ans, et certains d’entre nous s’en souviennent comme si c’était hier.
Paris vous a accompagnés, parce que maintenant Paris n’accepte plus qu’on tue dans la rue des gens pour délit d’opinion. Alors tout a basculé en faveur de la paix, les accords d’Evian sont signés le 18 mars 1962.
Venir se recueillir sur la tombe de Fanny c’est immanquablement évoquer la guerre d’Algérie, dire la volonté de cette terre colonisée par la France depuis 1830 à devenir un état indépendant, donc à engager le combat contre la présence française. S’en suivit une guerre de guérillas, une de ces guerres atroces, où toute la population est engagée, violentée. Elle est longue et sanglante. A Alger, les parachutistes réinvitent la torture. On hurle de douleur dans la villa Susini comme au n°11 de la rue des Saussaies au temps de la Gestapo.
Après avoir qualifié en 2017 la colonisation de crime contre l’humanité, le chef de l’Etat avait reconnu en 2018 la responsabilité de l’Etat dans l’assassinat sous la torture du mathématicien communiste Maurice Audin par des responsables de l’armée française. Pourtant les plaques rendant hommage au couple de militants anticolonialistes Josette et Maurice Audin ont été vandalisées à Bagnolet pendant le week-end du 23 – 24 janvier dernier. La première a été gribouillée, la seconde démontée et remplacée par le sigle de l’OAS, renvoyant à l’Organisation de l’armée secrète.
Des inscriptions antisémites ont été découvertes à Romainville, lundi dernier 1er février.
Le Président de la République a confié en juillet 2020 à l’historien Benjamin Stora, la rédaction d’un rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Ce dernier a proposé 22 recommandations. Sont-elles suffisantes ? Peut-on enfin espérer un tournant dans la voie de la réconciliation ? La tâche est ardue mais nécessaire. Le pire serait de les enterrer ou de les vider de leur substance.
Il est temps que le crime d’Etat soit reconnu pour les neuf morts du métro Charonne. Il est temps de connaitre et reconnaitre cette douloureuse période historique. La guerre est terminée depuis bientôt 60 ans, mais on n’en parle que depuis une douzaine d’années dans les manuels scolaires. Le chemin est encore encombré d’obstacles pour les chercheurs, à commencer par la levée du secret-défense sur les archives postérieures à 1934, pour qu’une commission « Justice et vérité » puisse travailler.
La France est à un tournant de son rapport avec son histoire si elle veut réussir le métissage ou le – vivre ensemble – qu’elle a dénié dans l’Algérie coloniale. Le gouvernement n’en prend pas vraiment le chemin en voulant poser la gestion du passé au niveau des individus et pas du système politique, choisissant en quelque sorte de faire de cette question un enjeu presque « apolitique ».
On le constate, les combats pour l’émancipation des peuples et contre les survivances du colonialisme ont toujours de l’avenir.